Sexe sacré, Sacré sexe: Témoignage d’une semaine ISTA
Sexe sacré, Sacré sexe: Témoignage d’une semaine ISTA
by Eric Côté
Qu’est-ce qu’il y a en commun entre 1. Greenpeace, 2. la chambre de commerce, 3. les carrés rouges et 4. ISTA? Ce ne sont pas des cultes, ni des religions. Ce sont simplement des organisations qui veulent créer un monde meilleur. Les solutions apportées sont différentes pour chaque regroupement, car ils identifient des problèmes distincts : un groupe croit que la problématique est le changement climatique, l’autre croit que l’obstacle serait plutôt au niveau des échanges commerciaux locaux. Un autre groupe voit la crise du financement des études. Et le dernier groupe voit le problème de connectivité des êtres humains.
ISTA signifie « International school of temple arts ». C’est une autre de ces écoles qui parle de sexualité sacrée ou de sexualité tantrique. À première vue, c’est juste une autre façon de vendre le mouvement « new age sexe tantrique » popularisé en Californie depuis les années 70-80.
Je suis polyamoureux depuis 10 ans. Le polyamour, c’est la volonté, la pratique ou l’acceptation de vivre des relations amoureuses impliquant plus de deux personnes avec la pleine connaissance et le consentement de chaque personne concernée. Cette liberté sentimentale s’accompagne d’un comportement qui se veut honnête, transparent, respectueux et responsable. Ce mode de vie est guidé par une certaine éthique. L’infidélité n’est pas du polyamour.
Il y a autant de façons de vivre le polyamour que de polyamoureux. Chaque polyamoureux vit le polyamour différemment, à sa façon. Naturellement, pour nous aider à débuter dans le domaine, les polyamoureux ont accès à des ressources: il y a des livres, des sites web, des blogues et des conférences sur le sujet.
Ca fait donc depuis 10 ans que je pars à chaque année aux USA pour aller aux conférences américaines sur le Polyamour. J’ai fait plusieurs conférences : Poly pride New York, Loving More Philadelphie, Loving More Seattle, Poly-Palooza Palm Springs. J’en ai rencontré des polyamoureux de plusieurs espèces. Des libertins, des échangistes, des kinky, des fétichistes, des soumis, des dominants, des athées, des sceptiques, des spirituels, des sorcières et même des tantriques.
Les tantriques sont une espèce intéressante. Ils sont parmi les rares à se donner des cours de sexualité pour améliorer leurs techniques. (Quand je parle du tantra ici, je parle des pratiques du Néo-Tantra.)
J’ai toujours été un gars qui a cru à la formation. Il est toujours possible d’apprendre quelque chose sans formation, que ce soit le massage, la danse ou même une nouvelle langue. Mais il est certain que dans tous ces domaines, une formation offre un net avantage à « apprendre sur le tas ». Et dans le cas de la sexualité, « apprendre sur le tas » signifie, pour la majorité des gens, apprendre de la porno.
Il y en aura certains qui parleront des cours de sexologie offerts dans les universités. Mais même dans ce cas-là, on parle d’observer et décrire la sexualité. Il n’y a pas d’ateliers pratiques offerts dans les études supérieures.
Bref, les tantriques se donnent des cours pour parfaire leur pratique sexuelle. Ils ont donc toutes sortes de façons de décrire leur sexualité hors du commun. Alors que la plupart d’entre nous parleront du « missionnaire », de la « fellation », du « cunnilingus », de la « levrette », du « coït », eux utiliseront des expressions très différentes, voire poétiques : se connecter par le Yab Yum, vénérer le temple féminin, vénérer le temple masculin, circuler par les chakras, Yoni, Lingam, explorer la lenteur, fusionner le regard, etc.
Il y a eu une émission aux É-U nommée « Polyamory : Married and dating » voilà quelques années. C’est une téléréalité qui met en vedette deux poly-familles en Californie. Une famille vit à Los Angeles, alors que l’autre vit à San Diego. L’émission met de l’avant les relations multiples, la résolution de problème et même la sexualité des polyamoureux (c’est diffusé sur la télévision payante). La famille de San Diego tourne autour de Kamala Devi. On mentionne dans l’émission que Kamala Devi est thérapeute de couple. Ce que l’on ne dit pas, c’est qu’elle est aussi prêtresse tantrique pour ISTA. (Une téléréalité ne peut attaquer qu’un tabou à la fois. Les producteurs ont donc caché tout le côté tantrique de cette famille, pour ne toucher que la réalité polyamoureuse.)
C’est donc par la télévision que j’ai appris à connaître Kamala Devi. Mais c’est à travers les conférences polyamoureuses que j’ai appris à propos d’ISTA et de la sexualité sacrée. Quel monde fascinant! C’était certain qu’un jour, j’allais essayer cela. (Cela a pris plus de 3 ans avant que l’occasion se présente.)
Alors, en quoi diffère ISTA des autres écoles néotantriques? Pour cela, il faut retourner à la base du problème. Un principe fondamental d’ISTA, c’est que les êtres humains ont de la difficulté à connecter. Pas seulement connecter entre eux, mais aussi connecter avec leur corps, leurs désirs, leurs peurs, leurs besoins. Et dans la connexion avec l’autre, il faut apprendre à demander, à prendre, à offrir, à accepter. Il faut comprendre les bases du consentement actif. Et il faut être à l’écoute de nos polarités masculines et féminines.
Pourquoi avons-nous du mal à connecter? Parce qu’on nous a entrainé depuis notre jeune âge à mal gérer nos désirs, nos peurs, nos besoins. Tout cela est refoulé. Et où s’accumulerait toute cette énergie refoulée? ISTA emprunte la théorie freudienne et prétend que ça se refoule dans notre sexualité. (ou est-ce Freud qui s’est inspiré des théories tantriques?)
Donc notre connectivité à notre corps et aux autres est affectée par ces blessures refoulées au niveau sexuel. Ces blessures datent de notre enfance. Le gros du travail pendant la semaine, c’est de travailler au niveau de la sexualité pour travailler nos émotions refoulées et retrouver une connectivité plus naturelle, plus humaine.
Pour les gens très libertins qui espèrent trouver là-bas du sexe très hard : la sexualité qui est au programme de ISTA n’est pas si hard. Il n’y a aucun coït pendant les ateliers. Tout doit être géré par le consentement et si on ne parvient pas à une entente, il n’y a pas de toucher. (Par exemple, j’ai été incapable d’obtenir un consentement sur un exercice de deux heures avec une partenaire. Nous avons donc attendu la fin de l’exercice. C’est long.) Les quelques touchers au niveau génital sont plutôt rares, et limités à quelques ateliers, à travers des gants de chirurgie stérilisés.
Naturellement, raconté comme cela, ça ne semble pas très intéressant. Où serait l’intérêt de participer? C’est que la sexualité n’est qu’une pièce du puzzle tantrique. La connexion, l’intimité, la respiration, le regard, le toucher et la sensualité sont des aspects drôlement plus intéressants. Et cela, il y en a à tous les jours.
Il y a donc une expérience de groupe intense, où l’on créé une micro-communauté sur 7 jours. Cette création est unique et spéciale pour chaque personne. Cette expérience de groupe a ses hauts et ses bas. On travaille nos problèmes, on collabore entre nous, on créé des liens avec des gens de toutes les classes, de toutes les couleurs et de toutes les orientations. Certaines personnes sont en couples, d’autres sont célibataires, et d’autres sont non-monogames.
De par la nature de l’événement, les gens qui sont dans des relations traditionnelles ne seront pas interpellé par ce type d’événement. Cela prend une certaine ouverture d’esprit. Il n’est donc pas surprenant que la moitié des gens qui participent dans ces événements sont non-monogames.
J’ai pris la peine de dire « non-monogame »: certains se considèrent « polyamoureux », d’autres se considèrent « polysexuels », tandis que certains se nomment des « anarchistes relationnels », d’autres sont des « vagabonds du coeur » et certains refusent toute forme d’étiquette.
Naturellement, certains viennent aussi en couple traditionnel. Ils feront les ateliers plus « intimes » exclusivement avec leur partenaire. C’est correct aussi. Le cours ISTA ne donne pas une prescription sur la façon de vivre les relations. Le but, c’est de fournir une boîte à outil pour la connexion et l’intimité, quel que soit le type relationnel.
Cette boîte à outil possède une variété de pratiques pour aider les gens. Les polyamoureux reconnaîtront certains de ces outils : la communication, le consentement, les jeux de pouvoirs, l’authenticité, l’expulsion de la colère, les jeux de séduction, les modes affectifs et amoureux, l’exploration de la sensualité, du plaisir, du regard, du toucher, de la respiration et de la sexualité.
Et on ne manque pas d’activités: yoga, méditation, danse, banquets, spectacles amateurs, partys, costumes, etc. On s’amuse énormément.
J’ai été chanceux. Pendant la semaine ISTA que j’ai participé, il y avait la présence de Kamala Devi, la vedette de « Polyamory: Married and Dating ». Nous avons eu la chance d’échanger des idées et des opinions.
Mais moi, qu’est-ce que ça m’a donné? Au delà d’avoir participé à une semaine intense avec des gens incroyables, j’ai appris sur le pouvoir du pardon, ainsi que la guérison à travers les larmes. J’ai aussi réalisé que j’étais un être humain fondamentalement blessé dans ma jeunesse, et que cela affecte plusieurs de mes interactions depuis. Je fais souffrir les gens que j’aime. Ces découvertes me tiendront occupé pendant des années dans mon cheminement de croissance personnel.
(J’ai aussi appris quelques techniques additionnelles pour donner du plaisir à mes partenaires au lit, ce qui est toujours le bienvenu.)
De plus, ma semaine ISTA marque le début du groupe Facebook « Polyamour Montréal ». Je trouvais à ce moment qu’il manquait des gens dans nos activités polyamoureuses à Montréal. Alors j’ai décidé de bonifier la petite communauté Meetup par une communauté plus grande encore. Depuis, notre groupe Facebook n’arrête plus de grandir. Nous sommes maintenant une communauté de 650 personnes. C’est impressionnant.
ISTA fait une nouvelle semaine au nord de Montréal bientôt. Si le développement personnel vous fascine, si vous avez le goût de créer un monde temporaire où les relations humaines sont à l’avant-plan, si vous désirez découvrir de nouvelles façons d’exprimer votre sexualité, si vous souhaitez développer votre authenticité quand vous partagez votre intimité, je vous invite alors à vous inscrire. Cela pourrait changer votre vie.
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Éric pratique le polyamour depuis une dizaine d’années. Il est le créateur du groupe Facebook « Polyamour Montréal« . Il prépare un méga événement en novembre nommé: « Amours 2.0: polyamour, relations multiples et couple ouvert ». http://amours2.com